Quelles sont vos influences ?

Dans l’enfance j’ai eu différentes expériences fortes qui ont gardé leurs influences tout au long de mon développement artistique. Tout d’abord, la découverte de l’anatomie médicale à travers les livres de médecine de mon père. Il avait un modèle de squelette humain à taille réelle qui m’a évidemment fortement marqué enfant. Je pense que cette peur s’est transformée en sublime, car j’ai récupéré le squelette il y a une dizaine d’années.

Ensuite, mes premiers émois esthétiques se sont faits à travers des livres d’histoire de l’art.

Je me souviens parfaitement du choc ressenti lorsque j’ai vu des photos de la Pietà de Michel-Ange. La Renaissance et l’art classique ont eu le plus d’influence, je n’avais pas accès à des livres d’art moderne ou contemporain. Cette influence s’est perpétuée à travers mes cours de peinture et de dessin, où j’ai appris les bases académiques de la composition, des valeurs, des couleurs en reproduisant des œuvres de maitres.

Mon master en histoire de l’art a permis une grande ouverture et compréhension de l’art moderne et contemporain. A présent je m’intéresse principalement à l’art contemporain, particulièrement à tout ce qui est sculpture et installation. Je me suis aussi ouverte à l’abstraction géométrique et les courants qui en découlent en Amérique Latine, grâce à mon ami qui est Uruguayen.

En ce qui concerne les artistes, Michel-Ange, Auguste Rodin, Constantin Brancusi et Adolfo Wildt sont sûrement ceux que j’ai le plus étudiés.

Je suis également énormément influencée par Louise Bourgeois et je pense que le travail d’Alina Szapocznikow, que je viens de découvrir sera très important pour moi. Je suis attirée par la force qui se dégagent des œuvres dAnselm Kiefer et de Leonardo Drew, ce qui m’aide à pousser mes recherches artistiques.

Il y a aussi ma passion pour l’art pariétal, mais c’est encore une autre histoire.

Vos obsessions ?

J’ai clairement une obsession pour les sentiments violents et complexes. Tout ce qui touche au désespoir, à la colère, au dégoût, à la trahison, au rejet, ou tout autre sentiment du même registre. J’enfile ces thèmes comme des vêtements, et j’en observe les intrications, afin de restituer quelque chose de juste à travers de mes œuvres.

Le besoin de justesse m’est aussi très important. Comme je travaille avec des thématiques sensibles et délicates, je pourrais facilement tomber dans le pathos ou l’exaltation, ce que je cherche exactement à éviter. J’essaye de viser au cœur de mes sujets sous des angles très méticuleusement choisis.

Cette rigueur se retrouve de manière obsessionnelle dans ma technique. Je suis très critique envers mon travail en phase de création. La sculpture sur marbre ne laisse pas une grande marge d’erreur et je peux être extrêmement sévère et implacable lorsque j’en commets. Parfois cela part hors de contrôle et je suis comme dévorée par la nécessité d’atteindre la perfection, ce qui rend la chose encore plus difficile et inatteignable. Je passe des heures ou des jours à refaire les formes encore et encore. C’est assez horrible lorsque cela m’arrive mais irrépressible.

Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)

Je suis assez satisfaite de ma dernière exposition personnelle « Tout Mou for You » à la Passerelle Negreneys à Toulouse. J’ai réussi à activer l’espace d’exposition d’une manière totalement différente en comparaison à ce que je faisais dans le passé, en réalisant une fresque géométrique qui reliait les œuvres entre elles. La fresque partait aussi au sol depuis la porte d’entrée de la salle d’exposition et grimpait sur les socles des sculptures. J’avais travaillé avec mon frère, Pierre-Emmanuel Surga, qui a créé une bande sonore spécialement pour l’exposition, mêlant des bruits de corps, type ASMR, avec les rythmes de musique électronique.

J’avais aussi sélectionné un parfum d’ambiance qui se percevait subtilement. Cela créait un environnement immersif qui était à la fois impactant, ludique d’une certaine façon, et qui frôlait l’angoissant en fonction de la musique. C’était vraiment très intéressant à développer comme projet. J’avais peur du résultat puisque je n’avais pu travailler sur chaque élément que séparément, sans pouvoir les assembler avant le montage. Mais le résultat était assez satisfaisant, je me suis surprise moi-même et j’ai ouvert un nouveau champ de recherche pour la scénographie de mes expositions.

En ce qui concerne les sculptures, il m’est impossible d’en choisir une seule. En générale les œuvres les plus difficiles à réaliser sont les plus satisfaisantes dans le long terme, même si je dois passer quelques mois ou années sans les voir pour pouvoir m’en rendre compte (pour oublier le sentiment obsessionnel de perfection cité plus haut). C’est un cheminement intense de me confronter à la difficulté dans la nouveauté. Cela fait naître en moi de nombreux sentiments de peur, d’angoisse, de frustration, de colère que je dois dépasser les uns après les autres à travers ma connaissance, ma technique, mes recherches et ma créativité pour arriver à la réalisation. C’est très intime, et cela me permets de repousser mes propres limites et de découvrir mes capacités.

Je perçois la plupart de mes sculptures comme des conquêtes envers moi-même. Je sais intérieurement ce que chacune d’entre elles m’a apporté ou appris, chacune a joué un rôle dans ma progression. C’est grâce à ce tout que je peux porter ma pratique vers l’avant.

Emmenez-nous quelque part

Je vous emmène sur les rives de la Mer Morte au coucher du soleil. A ce moment, les roches avoisinantes et le sable prennent une teinte orangée très douce et pourtant très intense ; alors que le ciel se peint de rose et de violet sur fond de bleu très pale, presque gris. Ces couleurs magnifiques se reflètent dans la mer. L’horizon où le ciel devrait la rencontrer est finement délimité par l’autre rive. Les clapotis nous accompagnent, presque imperceptibles, car il n’y a pas de vagues.

Ceux qui le souhaitent peuvent s’avancer dans la mer et se laisser surprendre par sa texture, qui semble faite à la fois d’eau et d’huile. Après quelques mètres on peut enfin se jeter à l’eau et découvrir cette sensation étrange d’apesanteur et d’impossibilité de rentrer en elle.

Une fois que l’on a fini de jouer avec, on se laisse finalement aller, sur le dos. On se laisse littéralement porter par l’élément On ferme les yeux, parfaitement en confiance dans l’environnement qui nous entoure, et on se laisse bercer. Puis on les ouvre et on découvre de nouveau le sublime spectacle de la nature autour de nous.  On est plus que jamais dans le moment présent et en même temps dissout dans l’éternité.