Célia Coëtte
A l'atelier Le Houloc, crédit photo : Mathilde Geldhof @lehouloc

Quelles sont vos influences ?

Je parlerais bien plutôt de sources d’inspirations qui me semblent être plus proches du travail en lui-même et peut-être, aussi, moins toutes-puissantes que les influences …

Et aussi parce que j’admets que je travaille de façon plutôt intuitive.

Ces sources d’inspirations sont nombreuses et varient selon les projets : soit la véhémence d’une chorégraphie d’Anne Teresa de Keersmeaker ; ou bien l’étonnement de rites païens dans un cimetière napolitain découverts dans un reportage ; ou encore la contemplation du paysage creusois lors d’une visite à mon grand-père.

Ce qui relie ces anecdotes aux lectures et artistes qui m’ont marquée, c’est que dans tous les cas ce doit être ingéré et digéré pour produire quelque chose. J’ai presque besoin de l’oublier un peu, puis c’est la forme qui me rappelle à la source qui m’avait touchée.

Et pour répondre de façon plus académique à la question, j’évoquerais volontiers l’abstraction des peintres Colorfields, l’utilisation de matériaux vernaculaires chez Supports/Surfaces, les structures et fragments naturels construites et utilisés par Mario Merz, la sensualité de l’abstraction et la puissance de vie d’Helio Oiticica, les One Minute Sculpture d’Erwin Wurm, l’humour poétique de Ryan Gander

Et puis cela va faire un peu name-dropping, mais aussi Le Phare de Virginia Woolf, La Société liquide de Zygmunt Bauman, les récits érotiques d’Anaïs Nin… Ou encore les conférences de Paul B. Preciado et de Bernard Stiegler

Il y en a beaucoup en fait !

Vos Obsessions ?

Ma première obsession est, je crois, de produire un paysage où le spectateur va pouvoir se “promener”.

Un environnement un peu énigmatique comme dans la scène du Projet Blair Witch lorsque les étudiant arrivent sur un lieu de rites étranges et inconnus en pleine forêt.

Ainsi, je construis souvent mes sculptures comme des arbres ou des personnages, dont la verticalité permet d’engager le corps du spectateur. Cette verticalité rejoint la pratique purement sculpturale qui vise à faire tenir debout des structures, à les faire défier la gravité pour qu’elles s’érigent en face à face avec le regardeur. Le fait d’ériger une forme, c’est obsessionnel.

Et puis une autre obsession serait de ramener de la sensualité ou un aspect organique dans ces paysages. Et ce pour faire surgir de ces formes squelettiques et disloquées un redressement, une élégance. C’est difficile à décrire, mais il s’agit de ramener une sorte de beauté à un ensemble qui pourrait paraître froid ou un peu glauque. Tirer de la poésie ou de l’humour d’un presque rien, d’un squelette.

A ce titre, la danse est devenue une réelle obsession dans mes derniers projets. Le travail de la colonne vertébrale chez la.e danseu.se.r rejoint le fait de tenir en équilibre pour la structure, l’engagement du corps pour fabriquer celle-ci, faire ressurgir le corps par bribes, créer des sculptures qu’on pourrait mettre en mouvement, mimer les gestes de danses technos que je me réapproprie dans une performance dansée… C’est assez nouveau mais ça m’a tout de même conduite à entrer au Conservatoire régional d’Aubervilliers l’an dernier, même si j’admets que cela n’était pas très adapté ! (Rires)

Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)

Cette question me permet de parler d’une exposition qui a été repoussée à cause de la crise sanitaire, et qui risque fortement d’être annulée après la décision violente du conseil départemental de la Nièvre de fermer le Centre d’art du Parc Saint Léger avec lequel je travaillais. Exposer est toujours un moment très excitant, surtout lorsqu’il s’agit d’un solo.

Voici donc un texte sur l’exposition qui préfigure une série de performances qui devraient se tenir en décembre ou janvier.

” Imaginez une forêt de sculptures dont les arbres ont d’étranges formes. Au sol, des lianes de métal parcourent l’espace. On dirait qu’elles ont mué, laissant par terre de douces enveloppes gisantes. On dirait des seins. Au centre, une plaque de métal, comme volante à dix centimètres du sol, est parsemée de rocs blancs. De l’un de ces petits monolithes, on devine déjà l’empreinte organique qui opère en leur cœur, duquel coule, de celui laissé ouvert, une pulpe rouge écarlate faite d’une poudre volatile. Tout autour, par des dalles de béton gris, s’érigent de longues tiges dont le diamètre, s’il ne fait à peine plus que la taille d’un roseau, restent figées dans leur raideur. Les tiges se tiennent droites, bien droites, et viennent ainsi rythmer ce paysage qui semble fantasmé …”

Et puis on entre dans ce paysage … La suite avec la performance !

Emmenez-nous quelque part

J’aimerais vous emmener manger une Pepita, c’est-à-dire un trio de chocolat sur lit de tapenade, qui donne son nom à un petit restaurant de Barcelone. La cheffe a vécu en France et à la suite de plusieurs expériences en restauration elle a monté son bistronomique au sud du quartier de Gracia. L’ambiance est très décontractée et les plats sont humblement extraordinaires !

Comme c’est un souvenir qui me tient à cœur, je l’ai raconté sous forme audio, j’en ai réinterprété le goût à partir de ma mémoire et constitué un plat en céramique spécifiquement pour l’accueillir.

Tout cela a donné lieu à une performance culinaire en septembre dernier, en collaboration avec le Collective, café culturel à Aubervilliers. Je crois que les convives étaient ravies, et particulièrement touchées par ce plat qui m’a tant marquée.

C’était un super moment.

Légende Photo : Vue du projet d’exposition “Et ainsi se peuplent et se dépeuplent les saisons”, production Parc Saint Léger @parcsaintléger

Site Internet de Célia :

https://celiacoette.wixsite.com/celiacoette