Elene Shatberahvili
Crédit Photo : Romain Darnaud

Quelles sont vos influences ?

Les influences sont multiples et viennent de quatre coins du monde…  Mais je vais en distinguer certaines.

Avant tout, j’ai été influencé par mon professeur de la peinture avec qui j’ai commencé à peindre à l’âge de 7 ans. C’est un homme qui a poussé ses élèves à rêver et à essayer d’être fidèles et vrais à la peinture et à la vie.

Je reste influencée par la culture de mon pays, la Géorgie. Je sens que dans ce petit pays  l’unique culture locale s’affaiblit dans le contexte de globalisation et d’occidentalisation. Donc il faut la nourrir, la redécouvrir et lui redonner une nouvelle force pour affirmer son identité propre. Etre loin me permet de comprendre mieux cette urgence.

Dans mes recherches plastiques j’ai été particulièrement influencée par Matisse, Cézanne, Munch. L’inclinaison vers le motif décoratif matissien est très présente dans mon travail.

Aussi, je suis à la quête de l’accident qui va se produire dans le tableau « malgré » moi. Je cherche à perdre le contrôle sur la peinture et la suivre ou elle m’amènera.  Je tombe d’accord sur ce dernier point avec Bacon qui dit « Toute peinture est accident ».

J’ai été beaucoup influencée par les étudiants avec qui j’ai passé les 5 ans aux Beaux-Arts de Paris, ainsi que par mon Chef d’atelier Time Eitel.

Ces gens m’ont appris le courage et le risque. Ils m’ont beaucoup soutenu. Ils m’ont montré qu’il y a mille chemins possibles dans l’art et que c’est un territoire de liberté. J’ai emprunté chez chacun et chacune quelques petites techniques ou les thématiques. J’ai vraiment été comme une éponge.

Vos obsessions ?

Ma première obsession est le contrôle. C’est un grand combat que je voudrais gagner contre la présence de la conscience rationnelle.

Je souhaiterais être de plus en plus en  connexion avec la peinture pendant le processus de travail. Il s’agit de rentrer dans une condition psychique où la pensée disparaît et cède la place à l’état plus profond et libre qui nous habite.

La deuxième obsession est le manque. Mon travail est en plusieurs sens une tentative de combler le manque. Il faut toujours un manque pour que la peinture advienne comme une solution : le manque du pays, le manque de liberté, le manque d’amour, le manque de présence. La peinture est un moyen d’auto-réflexion et d’auto-construction.

Ma troisième obsession est le mouvement. Je vois le travail artistique comme un chemin et non pas comme un être statique. Avec l’âge nous risquons de tomber dans un travail figé et rigide en guise de style individuel.

Il faut toujours garder le mouvement à l’esprit, être éveillée.

Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se

J’aime particulièrement mon exposition de diplôme qu’a eu lieu en juin 2019.

C’était une première et pour l’instant seule occasion de concevoir une exposition comme un corps autonome et composé des divers éléments, dont les peintures et les objets. J’ai travaillé l’espace et l’accrochage et j’ai été surprise par le résultat et par les capacités que j’ai découvertes en moi de l’analyse et de la synthèse du matériel, du sens d’arrangement et d’organisation de l’espace.

J’aimerais refaire cette expérience et la pousser plus loin.

Emmenez-nous quelque part

Je vous amène dans le film d’Akira Kurosawa « Dersou Ouzala » où la relation avec la nature est intime, fusionnelle et passionnée.

Ensuite, je vous amène à Touchetie, dans le Caucase Georgien où le temps suit le très lent rythme des montagnes.

Légende Photo :

Accrochage Diplôme des Beaux-Arts de Paris, Juillet 2019.

Crédit : Romain Darnaud