Quelles sont vos influences ?

Je suis influencée à la fois par la peinture dite « classique » (je citerais parmi mes peintres préférés Velazquez et Manet) et le folk art qui peut tout avaler : le réalisme, les motifs qu´ils soient géométriques ou floraux, le « fait main », la récupération de matériaux divers, différentes techniques comme le collage, le patchwork…

Ce qui me fascine dans les arts populaires/naïfs c´est le 1er degré, et la poésie qui en découle. Dans l´art brut on trouve aussi une force que nous « faiseurs d´art contemporain » ne pourrons jamais égaler – parce qu´il y a chez les artistes bruts encore plus de nécessité à faire ce qu´ils font-. Dans le même ordre d´idée, la forme de l´ex-voto me touche beaucoup.

Pour ce qui est du XXème siècle, je suis en ce qui concerne la peinture fascinée par les 3 géants Picasso, Matisse et Bacon.

Parallèlement des artistes comme Louise Bourgeois (par sa manière de transcender les drames de son enfance, par son endurance et son utilisation des matériaux toujours juste), Paul Thek (qui n´a pas eu le succès qu´il méritait en son temps, mais qui a influencé un grand nombre d´artistes contemporains) et Mike Kelley (en particulier pour son travail sur la mémoire comme la pièce « Educational complex » ou sa série de « memory ware flat »…) me nourrissent énormément.

Récemment j´ai découvert le travail de Kiki Smith qui me parle beaucoup.

Vos obsessions ?

Celle de ne jamais succomber à la facilité. C’est à dire que même dans le cadre d´une série, lorsque je commence un tableau, j´ai le trac comme si je n´avais jamais peint, comme si je n´avais rien dans les mains – alors que j´ai acquis une certaine technique avec le temps et que je ne suis pas une peintre spécialement laborieuse.

Ce qui est important pour moi est de ne pas éteindre le premier jet, de prendre s’il faut le risque d’abimer un tableau mais pour aller vers un mieux : pour acquérir plus de lumière, d’intensité colorée ou de présence dans un tableau.

L’émerveillement est primordial aussi : qu’il s’agisse de l’émerveillement au moment du travail (je m’arrête de peindre alors qu´il n´y a presque rien mais parce qu’il se passe « quelque chose » ou je me sers d’un accident) ou de l´émerveillement au quotidien (je vois mon enfant dans une lumière inattendue et je le prend en photo – ou je ramasse un objet sur le trottoir que je vais sceller sur un de mes « memory jugs »)…

Rester tout le temps éveillée me paraît être primordial.

Les thèmes récurrents dans mon travail seraient le portrait, la féminité et la mémoire.

Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)

Il s´agirait d´une exposition avec mon époux et collaborateur Axel Pahlavi au centre d´art Acentmètresducentredumonde de Perpignan en 2017. Vincent Madrahany (qui nous a malheureusement quitté il y a 2 ans) et sa compagne Irène nous ont invités à investir les 1400m2 de cette ancienne usine qu´est le centre d´art. Nous avons eu carte blanche et en travaillant sur une maquette dans notre atelier berlinois, nous avons pu affronter cet espace gigantesque avec une relative volupté.

Nous sommes tous les deux essentiellement peintres, mais lorsque nous exposons ensemble, nous investissons l´espace complètement autrement : il devient un terrain de jeux dans lequel nos 2 univers se rencontrent, se juxtaposent ou discutent par le biais de l´installation, de l´ouverture à d´autres média comme la vidéo.

Nous avons par exemple déployé notre espace quotidien (salon, cuisine etc. de la maison) sur une enfilade de cimaises du centre d´art par le moyen de wall drawings binaires. Sur ces peintures murales nous avons accroché nos portraits. Ce genre de mise en abime est stimulé par le travail en binôme et il déteint forcément sur nos œuvres personnelles, ce qui crée un grand dynamisme !

Emmenez-nous quelque part

J´aimerais vous emmener au marché aux puces se trouvant devant la cathédrale Nevski à Sofia.

J´ai vécu à deux reprises à Sofia (en 2001/2002 et en 2005/2006) et j´ai eu la chance d´y retourner au printemps 2016 à l´occasion d´un projet collectif organisé par Rada Tzankova.

La ville avait beaucoup changé, s´était modernisée avec les avantages et les inconvénients que cela représente. (davantage de richesse mais une perte d’identité?)

Dans ce petit marché aux puces j´ai fouillé dans des boîtes en cartons contenant de vieilles photos de famille dont les bords étaient bordés de fils rouges. Les photos avaient été cousues dans des albums puis on les avait désolidarisées des pages. J’en ai acheté quelques-unes qui ont rejoint une boîte dans laquelle je stocke ma collection personnelle de photos d’inconnus. Un jour ou l´autre, inspirée par un support peut-être, elles revivront dans mes peintures.

Je réalise que dans ces images se retrouvent différentes obsessions : le portrait, le textile et la mémoire.