Lélia Demoisy
Crédit Photo : Marlène Goulard

Quelles sont vos influences ?

Mes influences viennent d’écrits sur la biologie comme ceux de Gilles Clément ou Francis Hallé ou encore du bagage culturel que ma famille m’a transmise de l’époque où mes parents et grands-parents vivaient en Afrique.

Elles viennent d’artistes comme Giuseppe Penone, Henrique Oliveira ou Magdalena Abakanowicz.

Des romans de Tarjei Vesaas.

Vos obsessions ?

Je suis obsédée par l’idée de vouloir retrouver dans mes pièces ce sentiment que l’on éprouve lorsque l’on rentre dans une sorte d’intimité avec les choses issues de la nature, lorsque l’expérience est directe, spontanée, corporelle.

Pour ça je ne peux pas être dans la représentation, mes pièces doivent être ces choses quasi-vivantes qui, par l’hybridation, se situent juste à un entre-deux inconfortable.

Si dans mes sculptures j’utilise des matériaux issus du vivant c’est justement parce qu’ils rentrent en résonnance avec notre propre corps par mimétisme et font appel à des souvenirs indicibles issus de nos propres expériences de la nature.

C’est en tout cas l’objectif que je me suis donné.

Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)

Je vais vous parler d’une exposition qui a lieu en ce moment. Il s’agit de l’exposition Garden Party « urbex » créée par Valérie Arconati. Elle prend place dans un espace tout à fait atypique puisqu’il s’agit du cloître délabré qui jouxte le Centre d’art La Chapelle à Clairefontaine. J’y expose quatre grandes pièces réparties dans deux salles. Il a fallu jouer avec les graffitis sur les murs, les grands volumes, la seule lumière naturelle qui passe au travers des vitres cassées et le vent qui s’y engouffre.

L’une de mes pièces s’accorde particulièrement bien avec ce lieu incroyable, il s’agit de Fossilisation Forcée. C’est une pièce qui m’a demandé beaucoup de travail et d’investissement physique puisque c’est un tronc de Cèdre Bleu de 3m de long et 70 cm de diamètre que je suis venue débiter, sculpter et brûler jusqu’à ce que le cylindre complet de bois se soit transformé en un amoncellement de pierres. L’acte de transformation était au moins aussi important que la pièce finie et je suis très heureuse d’avoir pu l’exposer à cette occasion, dans cet espace-là.

Légende Photo : Vue de l’exposition Garden Party « urbex » créée par Valérie Arconati

Emmenez-nous quelque part

Il y a quasiment un an (l’hiver dernier) je partais pour la Patagonie. J’y allais pour une résidence d’artiste à San Carlos de Bariloche au Nord mais j’ai ensuite poursuivi le périple jusqu’à l’extrême Sud de la Patagonie. Et c’est de là-bas que sont venues les idées de plusieurs pièces dont Fossilisation forcées puisque l’on y trouve des  « forêts pétrifiées », qui sont en réalité des champs de cailloux. C’est là-bas que j’ai réalisé mes sérigraphies Usnea Barbata à partir de lichens que j’ai observé et j’ai même pu travailler des essences de bois locales.

Mais c’est surtout une nouvelle approche du rapport à la nature que j’y ai découvert, ainsi que des rencontres artistiques précieuses.

L’un de mes projets en cours prend pour source un voyage un tout petit peu plus ancien mais qui a été tout aussi important pour moi, la Mongolie.