Quelles sont vos influences ?

Le décor en général. J’ai commencé à être graphiste et illustratrice pour le cinéma il y a 5 ans parce que j’étais fascinée par les décors de studio.

L’un de ceux qui m’a le plus influencée est probablement the Truman show, spectacle dans le spectacle dans lequel l’environnement qui n’est qu’un vaste décor construit de toutes parts est présenté à son habitant principal comme une forme de réalité.

Mais de façon générale, les influences peuvent aller des décors de théâtre, d’opéra, de ballet, aux parcs d’attractions, terrains de golf, minigolf, bowlings, patinoires, piscines, hôtels… N’importe quel élément visuel tant qu’il est insolite, artificiel et sonne un peu faux.

En parallèle, j’ai un attrait pour la représentation des sentiments de mélancolie ou de nostalgie, quel que soit le medium qui les exploite. Je recherche surtout la poésie qui se dégage de ces émotions, qu’elles soient écrites, dessinées, filmées, photographiées.

Vos Obsessions ?

L’obsession première, c’est cette idée de perception altérée de la réalité, une sorte de questionnement des limites entre réel et fiction. Je ne crois même pas qu’on puisse vraiment parler de limites ; j’ai le sentiment que la fiction est une sorte de réalité subjective qu’il appartient à chacun.e d’appliquer à différents niveaux à son quotidien.

Donc, je suis obsédée par l’infini, l’artificiel, la répétition car ce sont des concepts que l’on envisage souvent comme étant opposés au naturel, lui-même souvent et sûrement à tort associé à une certaine vision du «réel».

De cette confrontation est née la ligne directrice des dessins : une réflexion sur le caractère routinier de la nature humaine, transposée dans des univers insolites, inhabituels.

En parallèle, une fois une série commencée c’est même le processus de dessin qui vire à l’obsessionnel, et je peux vite devenir pesante si quelque chose vient perturber le planning que je me suis préparé et que personne n’a cherché à m’imposer.

Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)

La plus satisfaite : chaque dernier dessin en date, avant d’en commencer un nouveau …

La plus heureuse : probablement le premier dessin de la série Minigolf. Pas le plus satisfaisant, peut-être pas le plus mémorable, juste le premier à provoquer un déclic.

J’ai perdu beaucoup de temps à penser que je n’avais rien d’intéressant à dire en dessin ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai commencé à dessiner pour les autres. Avec le temps, cette discipline de donner corps à la vision d’un autre a finalement révélé l’existence de la mienne. La série minigolf a été dessinée entre deux films. J’ai trouvé avec ce premier jet la première phrase d’une prise de parole qui a mis longtemps à se concrétiser.

Au bout d’un moment, le dessin pour les autres a généré une envie

Emmenez-nous quelque part

Sur un tournage de fiction. Peu importe lequel, il s’y dégage toujours la même chose : l’effervescence causée par les différentes personnalités d’une équipe qui ont à coeur de faire vivre une histoire.

En décor, on est aux prémices de l’histoire. On se construit pendant quelques mois autour de personnes, d’époques, de lieux différents ; puis tout s’arrête. Pour recommencer sous une autre forme, quelques mois plus tard. Avec le sentiment d’évoluer à chaque fois.

Aucun tournage n’est le même, et pourtant la même magie opère, une fois le décor construit et installé, les acteurs maquillés et en costume, et l’équipe prête à tourner. C’est assez fascinant sur le moment présent de sentir qu’on fait partie d’un tout qui individuellement nous dépasse.

Je suis en alerte dès le début de chaque tournage parce que je sais que je vais capter, toujours par hasard, un mouvement, une référence, un ensemble de couleurs qui va inspirer une idée de dessin. Je comprends avec ces expériences ce que j’ai envie de développer dans mes propres histoires. C’est un champ incroyable de possibles, super stimulant, où tout est très intense parce que limité par une date de fin. J’alterne entre les périodes de tournages et celles de dessin, plus personnelles. Pour l’instant, je ne veux pas privilégier l’un à l’autre. Je suis heureuse à la fois d’en faire partie, à la fois d’en être à part.