Maude Maris
Crédit photo : Vincent Ferrane

Quelles sont vos influences ?

En peinture, j’ai des sources évidentes comme Morandi ou Giorgia O’Keefe, mais aussi des peintres qu’on jugerait totalement éloignés de mes préoccupations comme Miriam Cahn. C’est l’une des artistes qui me fascine le plus depuis très longtemps, je ressens toujours autant de force lorsque je vois son travail.

Je pense également à David Byrd, que j’ai découvert plus récemment tout simplement parce qu’il a fait sa première exposition à l’âge de 87 ans ! J’ai beaucoup d’estime pour ces artistes car c’est rare de concilier de façon aussi juste, engagement politique et peinture sans que l’un ou l’autre s’en trouve affaibli.

Mes lectures jouent également un rôle important, peu de romans finalement, mais plutôt des livres d’anthropologie, d’éthologie ou de sciences politiques et sociales, d’architecture. La poésie aussi, celle de Sylvia Plath, Emily Dickinson, Guillevic ou Ovide. Je ressens ces poète.esse.s comme des plasticiens de l’écriture, il y a un sens haptique dans leurs textes, une prise en compte de la matière.

Vos obsessions ?

Les paysages artificiels, les sites archéologiques, les morceaux antiques, la figure animale, les matières calcifiées. Ce sont des éléments récurrents, j’y trouve dans chacun d’eux une dimension d’abstraction. Elle fonctionne à la fois comme une distance, un recul (le paysage artificiel nous renseigne sur notre rapport à notre environnement) et comme un lien (l’érosion, en lissant les détails liés à une époque donnée, nous la rend également plus proche).

Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)

Ma satisfaction est toujours de très courte durée et jamais absolue ! En général lorsque je viens de finir un tableau ou une exposition je me tourne vers la suite très rapidement, je cherche comment je pourrais aller plus loin, donc j’ai du mal à désigner un travail en particulier. Je penserais plutôt à la dernière série de petits formats, des études pour une série de plus grands, dans laquelle je pose de nouveaux types d’espace et une présence du corps plus forte. Voilà ce qui me rend la plus heureuse finalement c’est quand tout est à venir, quand tout est encore possible.

Emmenez-nous quelque part

C’est un endroit où je ne suis malheureusement pas encore allée, mais à propos duquel j’ai lu plusieurs études. J’en ai donc une vision un peu fantasmée, il s’agit du site archéologique de Çatal Höyük en Anatolie, l’une des premières villes néolithiques connues.

Les maisons ont été empilées les unes sur les autres au fur et à mesure des siècles, on y rentrait par le toit au moyen d’une échelle, car la ville était structurée sans aucune rue.
Les défunt.e.s étaient enterré.e.s dans le sol de la maison et leurs crânes étaient parfois exhumés, recouverts de terre et placés dans une pièce de la maison.
Des ossements animaux étaient insérés dans les murs, eux-mêmes magnifiquement décorés avec des symboles mystérieux, et des bucranes faisaient partie du mobilier domestique.

Ce site est actuellement très étudié, notamment par des mouvements éco féministes, qui s’intéressent aux cultures centrées autour d’une divinité féminine, comme la déesse aux léopards retrouvée à Çatal Höyük.
L’autre point inspirant repose sur le fait qu’on n’a pu mettre en évidence aucune trace d’une quelconque organisation hiérarchique ou autoritaire de la société. L’archéologie ne nous montre pas une voie à suivre, un retour en arrière désirable, mais plutôt des possibles à réinventer.

Légende Photo :

Antique, 2016, 185 x 250 cm, oil on canvas – Crédit Rebecca Fanuele