Quelles sont vos influences ?

Comme dans un paysage, différentes couches se superposent :

-« Lightning field » au nouveau Mexique,  « Earth Room », « Broken Kilometer », en plein centre de New York, sont des morceaux d’absolu, à couper le regard.
-ce qu’insuffle Mathew Barney nous traverse autant que le plomb sur la main de Serra dans « Hand Catching Lead ».
-la spatialité japonaise, qui baisse le regard au ras du sol.
-les transformations de Joseph Beuys, et la circulation incessante de l’énergie, de la matériologie réparatrice.
-l’observation du silence de Ben Rivers dans « Two years at sea », qui nous embarque vers le « Cheval de Turin » de Bela Tarr
-les saisons
-la remise en perspective de l’art pariétal, avec  « Les combarelles » de Michel Jullien.
-la pensée de Jean-Luc Nancy, notamment en rapport au corps défaillant.
-la chute des corps dans la poésie de Roberto Juarroz  « Poésie Verticale ».
-les longues marches fictives au coeur de la mémoire des lieux, traversant toute l’oeuvre de W.G.Sebald
-les fragments silencieux de l’ « Ecriture du Désastre », de Maurice Blanchot
-les autres fragments silencieux de Georges Oppen,
-les débris du langage de C.Tarkos
-le sens de la perception, dans « Apocalypse Arabe » d’Etel Adnan.

Vos obsessions ?

-Le sol, ce sur quoi on tient. Le terrestre. L’intérieur terrestre, peu connu, chaud, inaccessible. Le vivant. Et notre volonté de nous situer sur celui-ci, en tant qu’ « organisme-environnement », mot construit par Tim Ingold : établir une relation organique avec le lieu, le contexte, le biotope nous entourant.
-Nos mains qui tentent, et transforment. Les mains des autres, celles qui se sont usées jusqu’à épuisement, les mains de l’Histoire. Ce sont nos mains qui établissent notre relation entre le monde intérieur, et la réalité extérieur.
-La forme creuse, le trou, le contenant. Le bol, qui est la synthèse formelle de deux mains jointes.
-Confronter l’échelle géologique et humaine.
-Croire en l’incertitude

Toutes ces obsessions se décantent à travers un ralentissement, une usure progressive.

Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)

Puisque nous sommes deux, deux projets :

SPOLIA, installation In-situ hybride construite en 2018 en co-comissariat avec Guillaume Désanges au centre d’art Le Grand Café de Saint-Nazaire. Expérience fondamentale, dépliant notre travail depuis les sources de notre généalogie, ouvrant les relations entre poétique et politique. Nourri des échanges entre Guillaume et nous, l’installation s’est à la fois enracinée dans le contexte fort qu’est la ville de Saint-Nazaire, et s’est également ancrée dans un paysage mental théorique. Celui-ci s’est construit en injectant directement dans l’installation des « présences extérieures » d’artistes ou d’auteurs, comme des œuvres, des ouvrages, des écrits et d’autres documents de diverses natures.

Anatomie d’un corps absent, installation in situ en 2019 au centre d’art le Creux de l’Enfer, sous l’invitation de Sophie Auger Grappin, a été également très importante pour nous. Il s’agit surtout d’une affection particulière à ce lieu pour : sa charge historique, le labeur ouvrier, son rapport à l’extérieur-intérieur (la force hydraulique, la géologie), sa lumière naturelle. Il se trouve coincé entre la roche apparente, et la Durolle qui résonne fort. Tout est visible. Ce fut une expérience fondamentale dans notre pratique In-Situ.

Emmenez-nous quelque part

La filmographie du réalisateur et artiste contemporain Apichatpong Weerasethakul. Un des plus beaux endroits du monde.

Légende Photo : Exposition “Anatomie d’un corps Absent, Creux de l’Enfer”, Thiers, 2019