Vos Influences

Pour les arts visuels, les noms qui me viennent à l’esprit : Christian Marclay pour l’emploi très réussi du cinéma et du son dans son travail, Jeremy Deller pour les projets collaboratifs engagés et son obsession de la culture des raves, Mark Leckey pour le montage, David Hockney pour les piscines et les palmiers, Kenneth Anger pour l’esthétique hollywoodienne gay-rock de bas étage, Urs Fisher, Monster Chetwynd et plus récemment Meriem Bennani, Marianna Simnett, Jordan Wolfson, Jon Rafman…

Mais je suis peut-être d’avantage influencée par le cinéma, avec des réalisateurs comme Paul Thomas Anderson, Gregg Araki, Gus Van Sant, Quentin Tarantino, Martin Scorsese, Ridley Scott, Ken Loach et pour les français Jacques Demy, Claude Sautet, Maurice Pialat, François Truffaut, Jacques Audiard, Guillaume Brac, Robert Guédiguian, Abdellatif Kechiche, Alain Guiraudie.

J’aime aussi beaucoup les comédies musicales des années 1950 (je rêve d’en réaliser une à ma manière). Parmi mes préférées, toutes deux de Vincente Minelli : « Un américain à Paris » (où les personnages vont au bal des bal des quat’z’arts, les costumes sont super) et « Gigi », adaptation d’un roman de Colette où l’on plonge dans le Paris mondain de la Belle Epoque.

La plupart de ces artistes ont une approche sociologique et / ou engagée, une esthétique plutôt pop et parviennent à s’adresser à une large audience tout en conservant leur excellence et leur exigence artistique.

Sinon, j’ai aussi été très imprégnée de musique rock pendant mon adolescence. D’Elvis Presley et Little Richard au rock des 00’s comme les Strokes ou les Libertines. Mes meilleur.e.s ami.e.s avaient des groupes et nous passions plusieurs nuits par semaine dans des caves de Saint-Germain, au Gibus ou au Triptyque (ancien Silencio) à suer et pogoter. J’aime les idéologies et les esthétiques de cette musique, accompagnée parfois par des artistes plasticien.ne.s, je pense par exemple à Andy Warhol ou Raymond Petitbond. Je me rends compte que je cite presque exclusivement des hommes mais cela est bien révélateur de l’absence forcée des femmes et de leurs carrières amoindries, dans l’histoire culturelle comme dans l’histoire tout court.

Vos Obsessions

J’aime travailler de façon collaborative, avec d’autres artistes mais aussi avec des musicien.ne.s ou des personnes issues de domaines et de milieux à priori éloignés du champ de l’art. Je trouve que les collaborations permettent d’aérer le travail, de l’enrichir.

Bien qu’il soit parfois plus compliqué d’en faire sortir une forme aussi précise ou exigeante que dans le cadre d’une pratique individuelle.

C’est un processus de travail réjouissant qui aide à oser et qui permet d’être surpris.e, de déplacer son point de vue et de faire évoluer un langage artistique.
J’ai un intérêt particulier pour le médium vidéo et particulièrement pour le montage.

Sans doute dû au fait que j’ai toujours regardé beaucoup de films, bien que je ne travaille pas du tout avec la méthodologie du cinéma. Une des choses que j’essaie de faire et qui me tient à cœur, est de trouver un langage pour chaque projet, qui s’adresse à un public ou à des collaborateur.rice.s spécifiques.

Cela tout en faisant attention à ce que le résultat reste relativement intelligible pour les autres. Pour m’aider, j’imagine ce qu’en penseraient ma famille ou mes ami.e.s qui ne travaillent pas dans des milieux créatifs. Ces questions de compréhension et d’accessibilité sont aussi présentes dans les thématiques de mes projets qui mettent en scène des objets ou des personnages comme des sortes de réceptacles sociaux-culturels.

L'oeuvre ou l'exposition dont vous êtes la plus fière ou qui vous a rendue la plus heureuse

J’ai beaucoup aimé réaliser Sculpture Synchronisée (2014), en duo avec Georgia René-Worms et en collaboration avec une vingtaine d’artistes et le club de natation de la ville de Nice (Olympic Nice Natation). Il s’agissait d’une performance qui prenait la forme d’une compétition de sculptures en bassin, inspirée par les concours de natation synchronisée.

Chaque artiste invité.e avait produit une sculpture et imaginé pour elle une chorégraphie aquatique. Nous avons aussi fait appel à une vingtaine de musicien.ne.s pour créer la bande son. Aidée par les nageuses, chaque sculpture exécutait donc un ballet individuel, évalué par un jury composé de professionnel.le.s des mondes de l’art et du sport. Des trophées étaient ensuite remis aux vainqueur.e.s et un grand ballet collectif clôturait le spectacle. Sculpture Synchronisée eut lieu un dimanche après-midi à la piscine Jean Médecin à Nice et accompagnait l’exposition « Des Corps Compétents » (commissariat Arnaud Labelle-Rojoux) au centre d’art de la Villa Arson.

J’ai beaucoup aimé ce projet car ce fut ma première expérience collaborative à « grande » échelle. C’est le résultat d’un long travail (deux ans) qui fut très excitant notamment par la variété de nos interlocuteur.rice.s et collaborateur.rice.s (nageuses, plongeurs, entraîneur.e.s, politiques, artistes, administratifs) et par le suspens de la représentation finale à venir. Et puis je suis assez fière du résultat, je trouve que les images de ces œuvres dans un grand rectangle bleu sont à la fois très drôles et très belles.

Emmenez-nous quelque part

Je vous emmène à Los Angeles, où je suis actuellement et qui est une ville que j’adore. On peut bien sûr regretter l’intense utilisation de la voiture et les immenses inégalités sociales.

Mais le climat est idéal, la lumière en fin de journée y est littéralement dorée, les couchers de soleil aux mille couleurs imprimés de silhouettes de palmiers noirs comme dessinés à l’encre de chine sont tellement clichés qu’ils ne pourraient pas être plus beaux.

Dans plusieurs quartiers, la végétation est luxuriante et très diversifiée, il y a des collines çà et là depuis lesquelles on peut admirer de vastes panoramas. Du fait de cette flore, il y a aussi une faune tout à fait surprenante pour les européen.ne.s des villes : des colibris, des putois, des coyotes, des écureuils, des ratons laveurs, des opossums…

Et on dirait que les oiseaux sifflent dans des haut-parleurs. J’adore aussi l’architecture locale, les maisons basses de styles variés, parfois excentriques, d’inspiration moderniste ou hispanique. Downtown qu’on contourne par les « freeways” avec ses gratte-ciels de verre qui scintillent et dans lesquels se reflètent le bleu du ciel, on se croirait dans GTA (Grand Theft Auto).

Les maisons de Frank Lloyd Wright, les collines qui en fin de journée deviennent mauves comme dans les tableaux d’Hockney. Chinatown dont l’architecture brutalo-asiatisante, de nuit, me rappelle des images de Blade Runner. Et l’océan pacifique ! La côte qui va de Venice et ses hurluberlu.e.s – artistes de rue, drogué.e.s, skater.euse.s, sportif.ve.s bodybuildé.e.s – à Malibu et ses plages plus calmes, peuplées de surfer.euse.s et de biker.euse.s. Régulièrement, on aperçoit les ailerons d’une bande de dauphins qui passe.

Et puis le cinéma et toutes les images que nous renvoie la ville. Elle semble familière même quand on y vient pour la premiere fois. Y circuler en voiture donne l’impression d’un très long travelling. Enfin c’est une ville qui m’en rappelle une autre que j’aime beaucoup, Nice.

C’est d’ailleurs pour la même raison que les deux villes furent choisies pour accueillir des studios de cinéma : leur stabilité lumineuse et leur climat méditerranéen.

Los Angeles s’est aussi inspirée de la côte d’azur pour la plantation de ses palmiers, ce ne sont pas des végétaux d’origine locale.

Enfin, on y boit les meilleures margaritas au mezcal infusées au jalapeño (un piment mexicain) des États-Unis !

Légende de l’image: 

Sculpture Synchronisée (2014) En collaboration avec Georgia René-Worms Performance 90 minutes

Production HEAD-Genève, Olympic Nice Natation, Villa Arson, avec le soutien de la Ville de Nice.

Artistes participant.e.s : Laurie Charles – Lucile Diacono – Timothée Dufresne – Camille Dumond – Raphaël Emine & Omar Rodriguez – France Gayraud – Amandine Guruceaga – Lucie Hénault – Mathilde Lehmann – Sandra Lorenzi – Estrid Lutz & Émile Mold – Baptiste Masson – Gabriel Méo – Grégoire Motte – Jeanne Roche – Raphaelle Serre – Quentin Spohn – Nelly Toussaint – Agathe Wiesner & Arnaud Biais – Giuliana Zefferi – Avec une affiche de We Are The Painters et des trophées de Jean-Baptiste Ganne

Musique : 10LEC6’N’FOUFOULAN – 16/9 – Adiéou Baraca! – Aventure – Benjamin Blaquart – Beau Delay (Arnaud Maguet ) – Bière Noire – Bronte – Catholic Spray –