Résidence d'artistes à l'hôtel de Craon La Rochelle Fonds de dotation Encore !
Résidence d'artistes à l'hôtel de Craon La Rochelle Fonds de dotation Encore !

Résidence d’artistes à l’Hôtel de Craon de La Rochelle porté par le Fonds de dotation Encore! du Groupe Chesse

Très heureuse d’avoir accompagné le Fonds de dotation Encore! et sa Présidente Elyssa Sfar, porté par le Groupe Chesse, pour sa première Résidence d’artistes.

Les cinq artistes sélectionnés Neal Fox, Quentin Gouevic, Louis Guillaume, Johanna Mirabel et Nils Vandevenne se sont installés pour 3 mois 1/2 à l’Hôtel de Craon. Les travaux réalisés in situ feront l’objet d’une  exposition “MODUS OPERANDI” du 2 septembre au 17 septembre dont j’assure le commissariat.

Texte de l’exposition :

MODUS OPERANDI

Bienvenue à l’Hôtel de Craon, lieu renommé et emblématique de la majestueuse Place Verdun, si familier aux Rochelais puisqu’il a abrité le commissariat de la Ville de La Rochelle de 1954 à 2017 !

Depuis le 1er juin, cinq artistes, dont quatre issus de la jeune scène contemporaine émergente française, Louis Guillaume, Quentin Lecocq, Johanna Mirabel, Nils Vandevenne, et un plus établi Neal Fox d’origine britannique, y ont installé leur atelier dans le cadre d’une Résidence d’artistes conçue comme un espace de création et de recherche éphémère.

MODUS OPERANDI, locution latine à double sens emprunté au champ lexical de la criminologie, fait référence au mode opératoire du meurtrier, allusion à l’hôtel de police qu’il fût, mais surtout à celui de l’artiste lié à son processus créatif.

Ce titre suggère la question : de quelle façon ?

Ainsi, MODUS OPERANDI, n’est pas seulement une exposition mettant en scène le résultat brut des travaux réalisés In Situ, avec une lecture linéaire, plastique et esthétique.

Elle vise une intention plus ambitieuse : celle de déceler et éprouver ce que les artistes invités ont puisé en ce lieu à l’âme et l’histoire particulièrement marquées, pour créer.

Elle s’intéresse, non pas uniquement aux objets réalisés, présentés au public dans leur version finale, au sein d’un ensemble scénographié, mais à la source de l’inspiration sous-jacente et inhérente à la conception des œuvres.

Pour cela, elle invite le visiteur à explorer les espaces comme le laboratoire des idées, des formes et des gestes à l’origine du processus créatif sans présupposer la proposition artistique.

C’est à partir de leurs réflexions et pratiques respectives et personnelles, sur le temps long et compté de la Résidence, associées au fil conducteur qu’est le lieu, que s’est créée l’opportunité de l’exposition.

Telle une traversée de cinq univers aux contours et sensibilités bien distincts avec pour seul point commun et partagé, ce lieu unique, incarnation idéale et imparfaite, de l’histoire de la Ville de La Rochelle.

Le parcours proposé se veut être l’expérience d’une confrontation aux regards nécessairement décalés et détournés que les plasticiens ont porté sur les différentes pièces réinvesties et réinventées.

Alors que cet hôtel particulier inscrit aux Monuments Historiques depuis 1929, a connu plusieurs destinations, on se doit d’observer le fait qu’il abrita jusqu’en 1872 le cercle Dupaty où les notables débattaient des sciences et des Arts, comme un heureux présage.

Outre l’histoire de ce lieu, qui, selon l’époque, fût un salon mondain où l’on causait Arts et Sciences, un tribunal militaire, ou un commissariat de Police dont on peut encore découvrir les cellules, beaucoup d’éléments ont pu inspirer les artistes : sur la façade, les quatre panneaux sculptés d’angelots musiciens allégorie des Arts, les deux gargouilles en forme de lion ailé, le balcon d’honneur et son garde-corps en ferronnerie offrant une vue remarquable et panoramique sur la place, le fronton triangulaire au tympan décoré surplombant et dominant l’édifice, le buste de femme placé au sommet ; à l’intérieur de l’édifice, l’escalier tournant à retours avec jour, en charpente offrant une hauteur impressionnante, les espaces décloisonnés et traversants baignés de lumière, le pigeonnier …

En soulignant les liens et les connections qu’ils ont tissés individuellement et collectivement, consciemment et inconsciemment, pendant ces trois mois de résidence, les artistes vous invitent à une visite inattendue.

Une promenade dont ils auront, par leur sensibilité, leur rapport intime à la couleur et aux formes, leur approche des matériaux, leur style exclusif, rythmé et semé le parcours de signes et de jeux de piste.

Il s’agit donc pour vous, d’être complices des différents dialogues initiés et imaginés par les résidents avec le lieu, de vous projeter dans le décor déjoué qu’ils vous offrent en y ajoutant, pourquoi pas, vos souvenirs personnels et vos pensées secrètes, de prendre part à leurs récits protéiformes nourris de cette immersion inédite, qu’ils auront déployés au gré de cette architecture à nouveau en devenir.

De céder à la multitude d’émotions que leur généreuse invitation artistique ne manquera pas de faire naître en vous, j’en suis convaincue.

Qui sont les artistes, quelques éléments de BIO :

Johanna Mirabel

Née en 1991, Johanna Mirabel vit et travaille à Paris, elle est diplômée des Beaux-Arts de Paris depuis 2019.

L’année 2023 est particulièrement dense pour Johanna Mirabel qui a été en résidence à la Fondation H à Paris, qui a exposé au M.O.C.O – Panacée de Montpellier dans le cadre de la grande exposition collective « Immortelle » dédiée à la jeune peinture figurative française, et qui fait partie des 12 artistes nommés pour la 10ème Édition du prix Révélations Emerige 2023.

L’artiste a l’habitude d’explorer les espaces intérieurs, elle développe une recherche de la représentation où personnages, perspectives, points de fuite, végétation luxuriante, objets disparates s’interpénètrent dans un entre-deux mondes singulier entre réalité et imagination, en faisant état de sentiments liés aux souvenirs.

Sa peinture de genre classique se teinte de couleurs vives, en référence au Tembé, art abstrait typiquement guyanais reconnaissable à l’utilisation de rouges, de jaunes et de bleus très marqués.  Les figures de sa peinture sont essentiellement des amis ou des membres de sa famille avec qui elle entretient des liens forts, qu’elle met en scène dans des compositions dont l’intimité du lieu côtoie des scènes de vie au caractère universel. Elle n’oublie pas la nature dont la présence éclatante est symbolisée par des plantes opulentes introduites dans chacune de ses peintures.

Johanna Mirabel est souvent accompagnée de sa sœur jumelle Esther Mirabel, architecte, pour des réalisations d’installations à quatre mains qui questionnent les frontières entre peinture, sculpture et architecture.

Ici, c’est le détail du parquet qui l’a intéressée : la texture, l’usure, le dessin, la veine, la couleur, l’irrégularité, la fibre, l’essence du bois …

Neal Fox

Né en 1981 à Londres, Neal Fox vit et travaille en Grèce sur la petite île d’Amorgos. Il est diplômé du Royal College of Art – London.  Représenté par la Galerie Suzanne Tarasiève depuis 2008, deux de ses expositions personnelles ont fait l’objet de catalogues « Angels with dirty faces » texte du poète Jeremy Reed en 2017, et « Drunken Butterfly » texte de Andrzej Klimowski en 2022.

Neal Fox est aussi co-fondateur de la revue périodique et acclamée d’art graphique LE GUN, et membre du collectif du même nom. Ses dessins figurent régulièrement dans les pages du Guardian et du Times.

Le travail de Neal Fox se distingue des formes d’art conceptuelles. Entièrement consacré au dessin à l’encre de Chine, il ressuscite les symboles anthologiques de la culture musicale, artistique et littéraire. Ses illustrations réunissent une cosmologie de fantômes culturels dans un paysage de rêve psychédélique traversant le temps et l’espace.

Il fait appel à des figures d’icônes, d’Arthur Rimbaud à David Bowie, qui, à la manière d’anges ou d’archanges, prennent le rôle de gardiens spirituels ou de messagers. De Francis Bacon à Jack Kerouac, William Burroughs, Billie Holiday, Serge Gainsbourg … ces personnages revisités forment un nouvel équipage qui embarque vers une destination énigmatique créée par l’artiste dont l’intention est de les inclure dans des conversations existentielles en traçant des parallèles entre des mouvements artistiques et des auteurs.

Au milieu de ces icônes modernes résonne la voix de son grand-père, pilote britannique pendant la Seconde Guerre Mondiale qui en vint par la suite à écrire des romans de gare, (sous le pseudonyme Nat Karta), à présenter des talk-shows et à fréquenter les bars de Soho avec des artistes C’est bien dans cet héritage qu’il faut chercher la source de la créativité et l’origine de des narrations réalisées par Neal Fox au pinceau.

Au plaisir de ses déambulations, carnet de croquis en mains, Neal Fox s’est, une nouvelle fois, imprégné des secrets de cette Cité si inspirante qu’est La Rochelle. Il a imaginé une narration composée de 3 personnages un matelot, une jeune femme mystérieuse et un Pierrot, dessinés puis peints dans son atelier éphémère à l’Hôtel de Craon juste en face du légendaire Café de la Paix, où Simenon venait en voisin chaque matin écrire.  Poésie et mystère en sont les maîtres mots.

Nils Vandevenne

Né en 1995, Nils Vandevenne travaille à Aubervilliers au sein de l’atelier collectif POUSH. Il est doublement diplômé de la Villa Arson (Nice) en 2018 et des Beaux-Arts de Paris en 2021 avec Félicitations du Jury.

Nils Vandevenne fût en 2021 l’un des 5 lauréats (en duo avec Rayan Yasmineh) du projet CAMUS « Paris, ville jardin » du Ministère de la Culture pour qui ils ont réalisé une importante fresque murale, et a été résident du projet Hangar Y à Meudon en collaboration avec Artagon et Art Explora en 2022.

Nils Vandevenne façonne à rebours, plutôt que de peindre, il cherche à dé-peindre, à retirer la matière de la surface du médium. Lorsqu’il altère la surface à l’aide d’outils variés, toutes les stratifications de l’ancienne vie de l’objet émergent. Par ce geste de soustraction, il s’emploie à fouiller pour retrouver l’histoire matériologique de la vie du support. Son travail qui porte sur le sujet des traces, à comprendre comme le passage d’histoires dont il veut retrouver et ressusciter le fil, s’apparente à une recherche proche de l’archéologie.

Érigée en pièce sculpturale murale, aucune pièce ne ressemble à une autre, même si le geste résolument codifié de l’artiste est constant pour donner naissance à une œuvre nouvelle. Une œuvre inédite, qui, issue d’un objet – fossile oublié, excavé d’une part importante de sa matière et allégé de son histoire, reprendra vie.

Cette résidence au sein de l’hôtel de Craon, aura permis à Nils Vandevenne de poursuivre et développer sa Série « Les martyrs » pour laquelle il intercepte des objets d’artisans usés qu’il restaure avec notamment des résines colorées, puisqu’il y a récupéré les bancs des cellules de dégrisement et quelques portes destinées à la destruction.

  Quentin Gouevic

Né à Saint-Brieuc en 1996, Quentin Gouevic est tout juste diplômé des Beaux-Arts de Nantes Saint-Nazaire, et intègrera les Beaux-Arts de Paris en 4ème année à la rentrée prochaine. Il a également étudié le Design de produits à Brest et occupé un emploi dans un abattoir.

Quentin Gouevic réalise un travail de peinture caractérisé par une volonté d’entrer dans la couleur. Il s’intéresse particulièrement à la question de l’immersion des spectateurs et de lui-même au sein de champs colorés – qu’il met en place par superposition de couches diaphanes, transparentes et profondes. Son expérience de la peinture est intrinsèquement liée à l’expérience de sa condition ouvrière ; que ce soit en termes d’implication et d’épuisement du corps dans le travail ou bien en terme de persévérance, d’exigence, d’abnégation et de désir de dépassement de soi.

Au cours du processus, ses tableaux changent sans cesse jusqu’à intégrer la trace, le recouvrement, la superposition et l’effacement comme autant d’éléments qui leur permettent de se structurer. On y observe souvent des figures, des fenêtres ou des portes : des interstices de lumière. La dimension haptique ainsi que l’immersion sensorielle propre à la musique qu’il écoute (Black Métal, Ambient Japonais, etc..) accompagne et rejoint sa recherche dans ce qu’elle a de sensible et de radical.

La zone que l’artiste a investie au sein de la Résidence particulièrement lumineuse avec ses multiples ouvertures a été pour lui une authentique incitation à approfondir sa recherche, et l’a guidé vers une plus grande liberté : « je me suis rendu compte que je pousse encore plus loin l’utilisation de mes laques, je m’en sers pour détourer, révéler, isoler des formes et des traces que j’ai réalisées précédemment lors de couches antérieures ».
A l’occasion de cette résidence, il choisit d’accompagner ses peintures d’un texte dans lequel il évoque la question du geste, et des sensations.

 Louis Guillaume

Né en 1995 à Rennes dont il est diplômé des Beaux-Arts en 2019, Louis Guillaume vit et travaille à La Rochelle.

Figurant parmi les lauréats de la 1 ère Édition du programme « Mondes Nouveaux » du Ministère de la Culture il a pu mener à bien en mai 2022 son plan de récolte collective de chatons de peuplier lors d’une expédition à bord d’un bateau sur la Loire “Populus Nigra I ». Celui-ci a fait l’objet d’un récit.

Louis Guillaume a de nombreux projets pour cette fin d’année : il partira en résidence à Porto Alegre au Sud du Brésil à la Fondation Iberē Camargo en lien avec l’Alliance Française, puis intégrera la Cité Internationale des Arts à Paris, tout en menant un projet conjoint avec le Centre d’art Le Cyclop et le Conservatoire National des Plantes à Parfum, Médicinales et Aromatiques de Milly-la- Forêt.

Tel un chasseur-cueilleur en quête permanente, voire obsessionnelle, Louis Guillaume développe une pratique artistique en lien avec la nature et les saisons où chaque mois de l’année permet une récolte de matière dans l’environnement.

En guise de rituel, son geste de production démarre toujours par des balades, des pérégrinations dans des lieux urbains ou naturels. « Je porte sur l’environnement un regard qui me laisse réceptif à toutes ses suggestions ; d’une pratique instinctive, rien n’est figé, tout peut se révéler, toute forme est en mouvement, visant constamment à redéfinir ce qui nous entoure ».

Le travail de Louis Guillaume autour de la matière vivante s’apparente à une démarche quasi scientifique dans la mesure où il s’entoure de différents corps de métiers pour un travail collectif avec botanistes, scientifiques, designers …, alors que la notion du temps long domine.

Chacun de ses projets représente pour lui une opportunité d’expérimenter de nouvelles méthodes innovantes de la récolte, les matières une fois récoltées pourront hiberner plusieurs années avant de faire germer une idée. Il les sélectionne pour leurs capacités plastiques, mais aussi leur place dans l’observation plus globale de son questionnement à l’échelle du paysage et de l’environnement.

Ces installations, pourrait-on dire ces constructions, assemblages organiques aériens à l’équilibre fragile, se déploient sous notre regard médusé, on a envie de les toucher, de s’y abriter. Elles gagnent notre reconnaissance, car elles nous rapprochent de la nature et nous rappellent avec force et poésie, sa fébrilité.

Grâce aux importants espaces dont il a pu disposer au sein de l’Hôtel de Craon, Louis Guillaume a produit des sculptures de grande échelle, notamment à base de Stipa Tenuissima (cheveux d’ange) récupérée dans les environs de La Rochelle comme Beaulieu, Fouras et l’île de Ré, et de bourre de peuplier noir.

https://www.encore-encore.org

Photos : Crédit Marlène Hautefort