Fondation H Madagascar
Fondation H Madagascar

MADAGASCAR : un nouvel écrin pour l’art contemporain en Afrique australe

A l’origine, l’art contemporain africain était principalement concentré en Afrique du Sud, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Maroc et au Sénégal. Depuis une décennie les marchands, foires internationales et maisons de vente mettant à l’honneur les artistes africains contemporains, dans le sillage des galeristes pionnières telles LouiSimone Guirandou, Mariane Ibrahim, Cécile Fakhoury, Anne de Villepoix, Laurent Magnin, ne cessent de se multiplier.

On compte désormais cinq foires d’art spécialisées : 1-54 à Londres, New York, Marrakech, mais aussi AKAA à Paris, FNB Art Joburg à Johannesburg, Art X Lagos et Investec Cape Town Art Fair dans la ville du Cap, en Afrique du Sud.

Les grandes maisons de vente lui consacrent des ventes dédiées, Piasa fût la première d’en elles à créer un Département dédié.

A Paris, de nouvelles galeries ont fleuri : Afikaris qui représente notamment l’artiste marocain Omar Mahfoudi, la galerie 193 (pour 193 pays) avec l’artiste Hyacinthe Ouattara, toutes deux créées en 2018, 31 PROJECT co-fondé par Charles-Wesley-Houdré et Clémence Houdart qui viennent d’inaugurer un nouvel espace, toujours Rive Gauche au 41, rue de Seine, baptisé les Vierrière avec actuellement un solo de l’artiste Mawanda Ka Zenzile , et tout récemment la galerie de Christophe Person dans le Marais. Par ailleurs, chaque galerie a aujourd’hui dans sa programmation au moins un artiste africain qui y trouve sa place, et qui se retrouve également exposé avec un intérêt grandissant dans toutes les foires internationales de renom.

C’est dans ce contexte de visibilité exponentielle que sera inauguré le 28 avril prochain à Antananarivo le nouvel espace de la Fondation H, première fondation malgache dédiée à l’art contemporain créée en 2017 par l’entrepreneur et mécène Hassanein Hiridjee.

Dans un pays où les écoles d’art sont quasi inexistantes, et le projet d’un grand musée d’art contemporain public sans cesse remis en cause malgré un patrimoine historique et culturel conséquent, les initiatives privées semblent être l’unique soutien à la jeune création malgache.

Il faut dire que la présence et le rayonnement de Madagascar sur la scène artistique internationale sont récents et ont particulièrement éclos lors de la 58 ème Biennale de Venise en 2019, avec un pavillon magistral signé Joël Andrianomearisoa. Cette première exposition « I Have Forgotten the Night » en partie inspirée du palais d’Ilafy d’Antananarivo, sous le commissariat d’Emmanuel Daydé et de Rina Ralay-Ranaivo a véritablement marqué les esprits.

Principalement financé par Hasnaine Yavarhoussen, directeur général du groupe Filatex, (groupe producteur d’énergie, exploitant de zones franches, promoteur immobilier et développeur d’infrastructures), ce projet conçu par et pour les artistes du pays a été le catalyseur d’un programme de plus grande ampleur avec la création d’un Fonds de dotation à son nom adossé à lieu de production et d’exposition de 300 m2, dont le directeur artistique n’est autre que Joël Andrianomearisoa nommé Hakanto (le « Beau », en malgache) Contemporary.

Autre partenaire du pavillon malgache à Venise, la Fondation H créée en 2017 par le collectionneur mécène Hassanein Hiridjee (président de Telma, premier opérateur de télécommunications de Madagascar) s’apprête donc à ouvrir, avec brio, le 28 avril prochain, après deux années de travaux, un nouvel espace de 2200 m2 au sein d’un bâtiment historique du centre-ville d’Antananarivo sous l’égide de l’agence malgache Architecture Otmar Dodel qui a noué une étroite collaboration avec des artisans locaux.

Au-delà de l’exposition inaugurale « Bientôt je vous tisse tous » qui rendra hommage à Zoarinivo Razakaratrimo, alias Madame Zo, célèbre tisserande décédée il y a deux ans, la Fondation H a aussi été pensée comme un lieu vivant de création et de dialogue tourné en priorité vers les artistes d’Afrique et des diasporas.

Sur la base de cette volonté farouche, et en écho avec l’œuvre de Madame Zo, trois artistes femmes ont été sélectionnées par les deux commissaires de l’exposition , Bérénice Saliou (Directrice, Documents d’Artistes La Réunion) et Prof. Dr. Bonaventure Soh Bejeng Ndikung (Fondateur, SAVVY Contemporary, Berlin, et Directeur, Haus der Kulturen der Welt, Berlin) pour une résidence de recherche et de création In Situ d’une durée de trois mois.

Il s’agit d’Amina Agueznay (Maroc), de Masami (Japon / La Réunion) et de Grace Doro- thée Tong (Cameroun) choisies « pour leurs capacités d’expérimentation et leur intérêt pour le tissage en tant qu’artisanat, technologie et phénomène social et vernaculaire. Par la peinture, le maillage, le tissage ou la torsion, elles assemblent des fils physiques et mentaux, et s’inscrivent dans la lignée de Madame Zo. »

L’ ambition, les moyens alloués sont à la hauteur, est bien d’apporter aux artistes sélectionnés un rayonnement à l’international. D’une part, en poursuivant les programmes et les actions de grande envergure qui ont déjà pris forme depuis 2020 dans l’espace d’exposition parisien ( 24, rue Geoffroy L’Asnier) dans lequel 3 artistes par an soutenus par des bourses de création sont invités pour des résidences et/ou expositions carte-blanches ; et d’autre part, en renouvelant le partenariat initié en 2017 avec la Cité internationale des arts qui permet aux artistes invités de bénéficier d’un atelier-logement.

N’oublions pas de citer le Prix Paritana, programme de la Fondation H, (rappelons que ce prix a été initié en 2016 par Éric Dereumeux l’un des fondateurs de la Galerie RX, qui avait imaginé une association ayant pour objectif premier de promouvoir l’art contemporain africain à Madagascar), qui soutient la scène artistique malgache en organisant un prix d’art contemporain, remis chaque année à trois artistes. Là encore son ambition est de mettre en lumière l’émulation créative de la scène contemporaine malgache, et de la soutenir.

Alors que l’appel à candidature pour la 7 ème Edition est en cours, la 6ème édition du Prix Paritana a cette année distingué Mahefa Dimbiniaina Randrianarivelo comme premier lauréat pour son projet Ho Nofy Ihany, ainsi que Viviane Rakotoarivony pour son projet à la croisée entre la photographie et la danse, et Olivia Bourgois, pour son projet d’installation multimédia, comme vice-lauréates ex aequo.

Mais la Fondation H, c’est aussi une collection d’art contemporain extrêmement pointue dotée de nombreuses pièces remarquables, majoritairement focalisée sur des artistes du continent africain et de ses diaspora, qui a été constituée, et qui continue de l’être,  sous l’impulsion et la vision de sa Directrice Margaux Huille (recrutée en Novembre 2020) qui dans le cadre des sa mission de mise en oeuvre du projet global de la Fondation H,  conseille et accompagne Hassanein Hiridjee dans ses choix. Nous espérons pouvoir la découvrir lors d’une prochaine exposition.

Le panorama principalement composé de ces deux acteurs majeurs serait incomplet, sans évoquer les actions tout autant importantes, réalisées auprès de jeunes artistes par des mécènes privés Vitogaz Madagascar et le fonds Rubis Mécénat qui se sont associés en 2018 pour lancer Ndao Hanavao, un laboratoire d’innovation et de création conçu par des designers invités et des jeunes malgaches en formation professionnelle, avec des artisans, ingénieurs et acteurs locaux. Ndao Hanavao a pour vocation de trouver des solutions viables et pérennes, à travers l’implantation de projets de design social afin de répondre, à certaines problématiques sociétales et environnementales auxquelles est confrontée la population malgache. Parallèlement, Ndao Hanavao invite aussi régulièrement des artistes et des designers à expérimenter avec les projets implantés au laboratoire.

J’ai aussi envie de vous parler d’un autre médium, celui de la photographie, qui ne sera pas oublié, et qui a déjà été mis à l’honneur par l’artiste Malala Andrialavidrazana.  En effet, c’est en 2011, qu’elle a réalisé la série photographique Ny Any Aminay à Madagascar en se proposant  de rentrer dans les maisons de différentes familles pour mettre en images l’intimité et l’humilité de leurs intérieurs.

Pour finir, gageons que l’annonce récente par la Galerie Almine Rech de la représentation de Joël Andrianomearisoa qui présente au Macaal (musée d’Art contemporain africain Al-Maaden à Marrakech) jusqu’au 16 juillet la très belle exposition personnelle « Our Land Just Like A Dream » apportera un coup de projecteur supplémentaire sur la scène malgache et aidera de plus jeunes artistes à émerger plus facilement et durablement.